"Une approche didactique de l'informatique scolaire"
Jury:
Pr. Georges-Louis BARON, Université Paris-Descartes, laboratoire EDA
Pr. Anne BARRÈRE, Université Paris-Descartes, laboratoire CERLIS
Pr. Eric BRUILLARD, ENS de Cachan, UMR STEF
Pr. Bertrand DAUNAY, Université de Lille, laboratoire CIREL (garant de la candidature)
Pr. Francia LEUTENEGGER, Université de Genève FPSE, Equipe GREDIC
Pr. Gérard SENSEVY, Université de Bretagne Occidentale, laboratoire CREAD
Extrait:
Il y a 15 ans, Baron et Bruillard (2001) donnaient comme titre à leur article
dans la Revue Française de Pédagogie
la question clairement programmatique « Une didactique de
l’informatique ? ». Le point d’interrogation final signale que
l’entreprise rencontre quelques difficultés, qui ne me semblent pas sans
intérêt pour les autres didactiques et pour la didactique comparée.
Pour Brousseau, « la didactique des
mathématiques est la science des conditions spécifiques de la diffusion des
connaissances mathématiques » (Brousseau, 1994, p.1). Il y a là une forme
d’évidence : pour lui, les contenus de la matière mathématiques sont les
contenus mathématiques et réciproquement. Or cette bijection entre discipline
d’enseignement et discipline savante peut être questionnée. En premier lieu
parce que les didacticiens doivent de longue date composer avec les matières composites
(français, histoire-géographie, SVT[1]…)
qui renvoient à des disciplines savantes ou champs de pratiques variés et
parfois multiples. Ensuite parce que les contenus
d’enseignement ne sont pas toujours assignés de manière nette ou stable aux
disciplines scolaires : comme le remarque Astolfi (2008), aucune matière scolaire n’a le
monopole de contenus d’enseignement. Mais encore, les travaux de Douady (1983) sur la dialectique qui unit les objets
et les outils de l’apprentissage laissent penser que non seulement des contenus
mathématiques ou français peuvent exister dans d’autres matières, mais que les
contenus des uns peuvent également devenir des outils dans d’autres, etc. Il y
a donc tout lieu de penser que l’identification
des contenus pertinents pour le didacticien ne va pas de soi et qu’un
didacticien des mathématiques peut questionner ce qu’est, pour lui, une
« connaissance mathématique ».
Si la difficulté n’est donc pas nouvelle, les mouvements
actuels de recomposition des disciplines (Lebrun et Tutiaux-Guillon, 2016), la multiplication des
éducations à… et des dispositifs « trans », « non », « inter »
ou « a » disciplinaires (Cauterman et Daunay, 2010 ; Barrère, 2013a, 2013b) amplifient ce
mouvement et posent de manière encore plus pressante la question de ce qui
délimite les contenus qu’un didacticien peut juger pertinents pour être
construits comme des objets de recherche de sa didactique : « les
évolutions curriculaires actuelles et les enjeux de formation afférents, aussi
bien que les nouveaux objets et dispositifs qui apparaissent dans l’arène
scolaire, renouvellent les questions posées aux didacticiens » (Marlot et Chabanne, 2016, p. 10).
C’est bien le cas de l’informatique scolaire, pour laquelle
il n’existe pas de matière scolaire autonome (Baron, 1987 ; Drot-Delange, 2012a). Les dénominations
successives ou concurrentes des contenus à enseigner (informatique, TIC[2],
ISN[3],
B2i[4],
culture numérique, LE numérique…) rendent raison de la possibilité d’une
identification simple, sur un mode tautologique, de ces contenus. Les contenus
informatiques à l’école ne se limitent pas à ce qu’un informaticien
identifierait comme relevant de sa discipline. C’est sans doute en partie en
raison de cette difficulté à identifier et délimiter ces contenus qu’il est
souvent question dans les recherches, « d’activités », numériques ou
informatiques, comme nous le discuterons plus loin. Cependant, cette difficulté
n’est pas propre à l’informatique et nous verrons la grande diversité des
manières de dénommer et délimiter les didactiques.