dimanche 22 octobre 2017

Appel à contribution: "Innovation technologique, innovation pédagogique : quelle(s) relation(s) dans les discours et sur le terrain? "

Coordination :
François-Xavier Bernard (Université Paris Descartes)
Cédric Fluckiger (Université de Lille — SHS)


Les discours institutionnels sur « le numérique » dans l’éducation attribuent le plus souvent deux types de visées à son développement. D’une part il s’agirait de « faire entrer l’École dans l’ère du numérique » [1], d’autre part « le numérique » serait un moyen et une opportunité de refonder l’école ou l’université : « La transformation sociale par le numérique est un levier de la refondation de l’École » [2]. Cette idée relève certes d’un profond déterminisme technologique qui fait écho aux discours qui ont accompagné l’introduction de toute nouvelle technologie en éducation (Baron, 2014). Elle relève sans doute également en partie du rapport « magique » aux objets techniques (Rinaudo, 2011) et de l’imaginaire « utopique » et novateur associé à Internet (Flichy, 2001).
Face aux discours de ceux que Dieuzeide qualifiait de « marchands » et de « prophètes », des chercheurs comme Glickmann, Linard et Jacquinot ont opposé une longue tradition de travaux s’inscrivant dans une filiation plus ou moins directe avec les approches critiques de la technique (Habermas, 1984) et s’inscrivant majoritairement dans un paradigme anthropo-centré distinguant, dans des termes théoriques variés, phénomènes de diffusion et d’appropriation des technologies. Cette perspective de recherche a conduit à un large consensus autour de l’idée que l’innovation technologique n’entraine pas nécessairement l’innovation pédagogique (Tricot, 2017). Pour Linard (2003) par exemple, les innovations pédagogiques « restent marginales, dépendantes d’individus exceptionnels, tolérées en formation permanente et à dose homéopathique dans les cursus classiques » (p. 246) ; pour Baron et Bruillard (2004), « les situations d’innovations ne sont pas toujours porteuses de changement, ou du moins de changement radica[l] » (p. 160). C’est encore cette idée qui a conduit à distinguer xMOOC et cMOOC (Cisel & Bruillard, 2012 ; Charlier, 2014), opposant MOOC transmissifs traditionnels et MOOC connectivistes.
Pour autant, bien que les paradigmes non déterministes dominent sans conteste dans les discours scientifiques, deux éléments nous conduisent à vouloir interroger plus spécifiquement cette relation entre innovation technologique et innovation pédagogique.
D’une part, cette question est relativement peu thématisée en tant que telle. « Fond commun » des chercheurs dans le domaine des technologies éducatives, l’idée que l’innovation technologique peut ne pas entrainer d’innovation pédagogique, voire une régression vers des formes d’enseignement jugées traditionnelles et transmissives, mérite encore d’être attestée et discutée.
D’autre part, l’agenda de la recherche reste encore souvent fixé par les innovations technologiques dont chaque percée laisse, toujours et malgré tout, augurer de nouvelles promesses sur le terrain. Il parait alors plus « vendeur », plus enthousiasmant, pour un chercheur, de proposer aux financeurs de la recherche des projets misant sur les « plus-values » pédagogiques d’une technologie donnée.
Dans ce contexte, se posent des questions sur la manière dont innovation technologique et pédagogique peuvent, ou non, aller de pair. Comment l’innovation pédagogique prend-elle appui sur l’innovation technologique ? Comment les projets innovants autour du numérique pensent-ils et préparent-ils la question de l’innovation pédagogique dans les usages induits ? Comment les enseignants, les institutions, envisagent-ils la question ? Concernant la recherche elle-même, dans quelle mesure la réponse aux demandes sociales d’évaluation de dispositifs existants oriente-t-elle la recherche vers certains objets ou certaines perspectives ?
Les articles proposés pourront concerner l’enseignement obligatoire ou le supérieur. Ils pourront se centrer sur les processus d’innovation pédagogiques (la figure des « innova-teurs », les pédagogies « nouvelles », des modalités particulières comme les classes inversées, etc.) en interrogeant leurs liens avec l’usage des technologies, ou sur des dispositifs tech-nologiques (MOOCs, Learning Center, Campus Numériques, ENT, TNI, tablettes…) en interrogeant les modalités pédagogiques qu’ils recouvrent. Des phénomènes transversaux, comme la collaboration dans l’apprentissage peuvent encore être discutés. Les coordinateurs du numéro seront attentifs à ce que le thème de la relation entre innovation technologique et pédagogique structure les problématiques soulevées dans les articles.
Les approches empiriques sont privilégiées, mais des retours historiques sur les relations entre innovations technologiques et pédagogiques sont également les bienvenus. Des discussions théoriques sont possibles dans ce cadre, par exemple sur le déterminisme, les approches plus ou moins techno ou anthropo-centrées, la notion même d’innovation, les notions de dispositifs, d’instrument ou encore d’environnement.

Bibliographie
Baron G.-L. (2014) « Élèves, apprentissages et «  numérique  »  : regard rétrospectif et perspectives » – Recherches en Éducation 18 (91-103).
Baron G.-L & Bruillard É. (2004) « Quelques réflexions autour des phénomènes de scolarisation des technologies » – in : L. O. Pochon et A. Maréchal (dir.) Entre technique et pédagogie. La création de contenus multimédia pour l’enseignement et la formation (154-161). Neuchâtel : IRDP.
Charlier B. (2014) « Les MOOC : une innovation à analyser » – Distances et Médiations des Savoirs 5, en ligne : http://dms.revues.org/531
Cisel M. & Bruillard E. (2012) « Chronique des MOOC » – Sticef vol. 19
en ligne : http://sticef.univ-lemans.fr/num/vol2012/13r-cisel/sticef_2012_cisel_13r.htm
Flichy P. (2001) L’imaginaire d’Internet. Paris : La Découverte.
Habermas J. (1984) La technique et la science comme idéologie. Paris : Denoël.
Linard M. (2003) « Autoformation, éthique et technologies : enjeux et paradoxes de l’autonomie » – in : B. Al-bero (dir.) Autoformation et enseignement supérieur (241-263). Paris : Hermès/Lavoisier.
Rinaudo J.-L. (2011) TIC, éducation et psychanalyse. Paris : L’Harmattan.
Tricot A. (2017) L’innovation pédagogique. Paris : Retz.

Calendrier et indications aux auteurs
Réception des projets d’articles (résumé d’une page) : 15 décembre 2017
- signification aux auteurs que leur projet est retenu : 15 janvier 2018
- réception de l’article (30 000 signes, tout compris) : 15 mars 2018
- communication des avis des experts : 15 juin 2018
- réception de l’article définitif : 15 octobre 2018
- livraison du numéro : novembre 2018
- publication : janvier 2019

Nous attendons pour le 15 décembre 2017 un résumé d’une page présentant votre projet d’article. Vous y préciserez la/les question(s) que vous envisagez de traiter, le cadre théorique dans lequel vous vous inscrivez, les choix méthodologiques et les données sur lesquelles vous travaillez, ainsi que quelques résultats, même très provisoires.
Vous veillerez à y indiquer précisément :
- vos noms, prénoms
- votre institution
- votre adresse postale professionnelle et une adresse électronique
- un titre d’article
- quelques mots-clés.

Les propositions sont à envoyer à Cédric Fluckiger :
cedric.fluckiger à univ-lille3.fr
Les contributeurs sont invités à utiliser la feuille de styles proposée et à respecter scrupuleusement les normes éditoriales de Spirale, en particulier en matière de bibliographie.
Notes
[1] http://cache.media.education.gouv.fr/file/12_decembre/96/9/2012-plan-numerique-dossier-presse_236969.pdf
[2] http://ecolenumerique.education.gouv.fr/app/uploads/2016/02/581502-27640-35560-1.pdf

vendredi 20 octobre 2017

Intervention au colloque "50 ans de sciences de l’éducation", Caen, 18-20 oct. 2017

FLUCKIGER C. (2017), Quelles nouvelles médiations pour des enseignants d’écoles élémentaires équipées de Tableaux Numériques Interactifs (TNI) ?, dans le symposium « Enseigner, accompagner en situations éducatives instrumentées. Vers de nouvelles formes de médiation ? » coordonné par François-Xavier Bernard, Colloque « Enjeux, débats et perspectives : 50 ans de sciences de l’éducation », Caen, 18-20 octobre 2017

Dans le cadre de ce symposium, je me propose de retravailler, des données issues d’un projet de recherche en didactique des disciplines sur le TNI, en reproblématisant autour de la question des médiations instrumentales introduites dans l’activité enseignantes par les TNI et les ressources mobilisées par les enseignants en cours.

lundi 9 octobre 2017

Parution du chapitre "Contenus" dans le Dictionnaire des éducation à...

DAUNAY B. et FLUCKIGER C. (2017), Contenus, dans Angela Barthes, Jean-Marc Langeet Nicole Tutiaux-Guillon, dir., Dictionnaire critique des enjeux et concepts des « éducations à »…, Paris, L’Harmattan, p. 330-337.
 A commander cher L'Harmattan:  commande@harmattan.fr

Extrait:
"  Les didacticiens se sont demandés de longue date ce qui faisait l’unité des disciplines scolaires, lorsque les mêmes objets peuvent être présents dans plusieurs disciplines scolaires (Astolfi, 2008). Une des réponses possibles est « l’unité de la discipline », premier des « enjeux didactiques » identifiés par Martinand (2003, p. 112) à propos de la technologie.  Les éducations à…, quant à elles, se caractérisent par « une visée éducative, en particulier le développement de valeurs et d’attitudes, et par la construction de compétences sociales et/ou éthiques à caractère transdisciplinaire ou adisciplinaire » (Pagoni et Tutiaux-Guillon, 2012, p. 3). C’est bien, en effet, le pilotage des contenus par des finalités sociales qui les spécifie et qui différencie la manière dont les mêmes objets de savoir pourraient être traités dans des disciplines scolaires. Ainsi si, à suivre Audigier (2010, p. 250), « entrer dans une discipline, c’est entrer dans une certaine manière de construire le réel, de le comprendre et de se l’approprier », entrer dans une éducation à… c’est reconstruire comme de nouveaux contenus, sous l’influence de finalités et de compétences sociales, des objets de savoirs, parfois les mêmes que ceux de disciplines scolaires.

S’intéresser aux contenus des éducations à…, c’est donc interroger leurs finalités sans pour autant les rabattre sur de simples compétences qui ne permettraient à la limite que « de faire la preuve de son “employabilité” sur le marché du travail » (Audigier, 2012, p. 31) : au-delà de l’utilité directe ou indirecte, il s’agirait au contraire, dans la réflexion sur les éducations à…, de faire le lien entre l’origine des contenus et leurs visées de formation générale du citoyen. En effet, comme le rappellent Lange et Victor, l’éducation à… « impose une nouvelle relation aux savoirs scientifiques : ceux-ci ne peuvent plus être des savoirs académiques neutres, dissociés de tous contextes et qu’il suffirait simplement de transposer dans le cadre de disciplines scolaires habituel » (Lange et Victor, 2006, p. 95). C’est aussi ce qui conduit les éducations à… à construire comme contenus des objets de savoirs « plus proches de la vie, personnelle, professionnelle, sociale » (Audigier, 2015, p. 10) ou encore, à l’inverse de la forme scolaire qui « suppose que l’on enseigne des contenus disciplinaires supposés stables, correspondant à l’état du savoir à un moment donné et mis à la portée des élèves » (Fabre, 2015, p. 26), à construire comme contenu des objets de savoir « peu stabilisés et incertains qui font l’objet de controverses et de discussions au sein de la communauté scientifique » (Berrios et Barthes, 2015, p. 71). C’est ainsi que, dans l’enseignement de questions socialement vives (Legardez et Simonneaux, 2006), en plus du savoir scientifique, le doute, le débat scientifique et la controverse sociale liés à ce savoir sont également constitués en contenus.
"