jeudi 29 septembre 2016

Parution de l'ouvrage "L'ordinaire d'Internet", coordonné par Olivier Martin et Eric Dagiral

Parution d'un chapitre :
Fluckiger Cédric, (2016), Les étudiants sont-ils des natifs numériques?, in Martin O. et Dagiral E. (dirs.), L'ordinaire d'Internet. Le Web dans nos pratiques et relations sociales. Paris, Armand Collin, p. 146-166

Présentation de l'ouvrage:
"Communautés virtuelles, e-relations, cyber-amitiés, sociabilités en ligne, ou encore liens numériques... Cet ouvrage propose à un public large une réflexion sur les transformations du lien social associées aux Technologies de l’Information et de la Communication et plus spécifiquement à Internet. Il permet de s’interroger sur la manière dont ces technologies participent à l’instauration et à la reconfiguration des liens et des attachements, électifs ou non, entre des individus également susceptibles d’être déliés.
Allant parfois à l’encontre d’idées reçues ou conduisant à clarifier des représentations spontanées, il souligne d'une part la variété des usages par-delà les prescriptions et usages communément imaginés, et d'autre part les régularités communément constatées dans l'observation de ces pratiques."


Extrait du chapitre "Les étudiants sont-ils  des natifs numériques ?"
"Conclusion : même les « digital natives » doivent apprendre le « métier d’étudiant »
S’il y a une fracture, elle passe non pas entre les instruments, dont certains seraient par nature assignés à la sphère privée, d’autres à la sphère académique, mais bien au sein même des instruments, car plusieurs instruments peuvent de fait être élaborés dans un travail de genèse instrumentale, à partir du même artefact. Cette pluralité, cette « discontinuité instrumentale » n’est pas propre au courriel, on la retrouve pour tout instrument mobilisé dans deux ou plusieurs situations d’usage contrastées, comme le traitement de texte.
Au-delà même des limites des compétences techniques des étudiants, loin d’être tous à l’aise avec les technologies numériques, les ordinateurs ou les réseaux sociaux, on aurait tort de croire que les usages privés peuvent automatiquement, et sans difficultés spécifiques, conduire à des usages importants en contexte universitaire. Au contraire, les habitudes antérieures ne peuvent suffire dans ce nouveau contexte.
Une première raison en est que les codes, les normes ne sont plus les mêmes. Les outils valorisés pour la communication de pairs, précisément parce qu’ils sont liés à l’univers juvénile, aux loisirs, ne sont pas nécessairement les plus adaptés à un travail « académique ». Le « métier d’étudiant », comme tout métier, nécessite des outils spécifiques et dont le statut symbolique correspond à la finalité que prêtent les acteurs à leur activité.
Ensuite parce que les habitudes même les mieux ancrées, les savoir-faire parfois experts que des lycéens, des jeunes, ont pu développer dans leur itinéraire biographique d’usage, ne correspondent tout simplement pas à ceux qui sont nécessaires dans un nouveau contexte : collectif, imposé, marqué par des contraintes temporelles fixes (une date de rendu…), etc. Les formes que prennent les activités communicationnelles instrumentées émargent alors à la fois du côté de pratiques privées et des pratiques académiques.
Bien entendu, l’habitude, la « compétence », la dextérité, la culture numérique sont des facteurs importants pour faciliter ce travail d’appropriation dans un nouveau contexte. Dans ce domaine aussi, les inégalités (sociales, culturelles…) sont loin d’avoir disparu. Mais c’est bien un travail, un apprentissage du « métier d’étudiant », qui nécessite une attention de la part des institutions universitaires, qui doivent prendre conscience qu’être présent sur Facebook ne signifie pas qu’un étudiant saura prendre le pli des attendus de la communication universitaire."